jeudi 12 février 2009

Compte-rendu de l'AG du 12 février

Les réformes actuelles de la recherche et de l'enseignement proposées par le gouvernement, sont vivement rejetées par l'ensemble des étudiants et du personnel des universités. Depuis plusieurs semaines, de nombreuses actions sont menées pour protester contre ces réformes qui remettent en cause le système éducatif et la recherche française. L'assemblée générale des étudiants, enseignants- chercheurs et chercheurs de Luminy qui s'est tenue le Jeudi 12 Février 2009, a réunit plus de 700 personnes a été une véritable réussite. Après un bref rappel des principales revendications, la poursuite de la grève a été votée jusqu'au Lundi 16 Février 2009 midi.

La loi LRU:
Le décret de la LRU voté en Août 2007 modifie la loi Savigny (1984) qui définit les principes fondamentaux régissant le fonctionnement des Universités, notamment leur caractère démocratique et légal. A travers cette réforme, l'Etat se désengage totalement de la gestion et du financement des universités imposant un financement privé défiscalisé.
Dans une logique de rapprochement universités-entreprises, la gouvernance des universités sera désormais similaire à celle des entreprises (certains parlent même de patronat). Elu par un CA réduit de moitié, constitué de personnes extérieures à l'université, où les étudiants et les enseignants seront minoritaires, le président aura un pouvoir total. Il pourra fixer seul les modalités des examens, disposera d'un droit de veto sur les affectations, mais pourra également recruter le personnel sans la moindre consultation, sous contrat privé (CDD, CDI...). Le CU et le CS ne seront plus consultés alors que leur participation est indispensable pour une gestion optimale étant donné leurs fonctions respectives. Un impact significativement négatif sur les droits des doctorants et l'attribution des bourses de mérites est évident. Cette logique de concentration, qui vise à la mise en place de gros pôles universitaires concurrentiels dans le classement Shangaï, va induire une compétition démesurée entre les universités ainsi qu'une diminution du nombre d'étudiants.
D'autre part, le futur décret prévoit un contrat doctoral unique. Le doctorant aura en fin de compte un contrat de travail d'une durée d'un an renouvelable, avec une période d'essais de 6 mois où il pourra être renvoyé sans préavis (cf. CPE). Ce sera le président lui-même qui procédera au recrutement des doctorants et décidera du renouvellement de leur contrat, faisant office d'employeur. Le doctorant s'engagera à 64 heures de mission annuelles. Son contrat sera renouvelé tous les ans par le président, et pourra être modifié en fonction des besoins. Les doctorants seront donc, par ce décret, de véritables employés modulables à souhait. Leur salaire sera bien sûr tiré vers le bas, pour un CDD en guise de finalité professionnelle. C'est une véritable précarisation et nous ne pouvons l'accepter car la recherche et l'enseignement ont besoin de stabilité pour une efficacité optimale.

La masterisation:
La masterisation, réforme de la formation des enseignants du secondaire, est un pas en avant vers la diminution de la qualité de l'enseignement. La formation des enseignants du secondaire était à la fois universitaire et professionnelle, car c'est un domaine qui nécessite méthode et rigueur. Le point fort de cette formation était qu'après 4 ans d'études, les étudiants suivaient un stage rémunéré d'une durée d'un an, suivi et évalué par des personnes compétentes, fondamental pour une formation efficace et objective. Afin de revaloriser le métier d'enseignant, la reconnaissance par un diplôme bac+5 a longtemps été demandée mais toujours refusée. Le projet de la masterisation qui vise justement à revaloriser le métier d'enseignant, valide le diplôme au niveau bac+5, mais les conditions imposées sont inacceptables, et détruisent la qualité des enseignements, chose essentielle. L'année de stage rémunéré obligatoire est supprimée, laissant place à un stage facultatif non évalué. De ce fait, l'accès à la formation sera plus difficile car une année d'étude nécessite certains moyens que toutes les familles n'ont pas forcément. De plus, elle mettra sur le marché des enseignants non formés, qui devront "apprendre sur le tas". Le diplôme sera au final moins reconnu puisqu'il suffira d'être en possession d'un diplôme de master pour être au moins vacataire, et devenir titulaire au bout d'un certain temps.

Modifications du statut des enseignants-chercheurs:
La modification du statut des enseignants chercheurs nuit à la fois à la recherche et à l'enseignement. Le statut enseignant-chercheur proprement dit n'existera plus. Une évaluation du personnel, quadriennale, par le CNU, basée sur le nombre d'articles publiés permettra la sélection des "bons" et des "mauvais" chercheurs. Comme l'a si bien dit notre ministre Valérie Pecresse, les bons chercheurs qui auront un nombre de publications élevé verrons leur tâche axée sur la recherche, les autres étant "relégués" à l'enseignement. Ceci est inacceptable non seulement parce que le nombre de publications ne révèle en rien la qualité d'un travail, et d'autre part, la qualité de la recherche française ne pourra que diminuer si ce sont les "mauvais" qui doivent former nos futurs chercheurs. Cette réforme est socialement nocive et diminue le niveau pédagogique de façon significative. L'interconnexion enseignement-recherche est indispensable à un enseignement supérieur de qualité.
L'exemple de l'Italie a été exposé. En Italie, le même type de réforme a été appliqué en 1994 dans le but de réduire les dépenses de l'Etat. Les résultats sont aujourd'hui désastreux. De graves problèmes de financement sont apparus. Les dons privés n'étant pas suffisants, on a assisté à un véritable déchainement pour accéder aux fonds de la région, augmentant la compétition inter universitaire. Les laboratoires se sont transformés en bureaux d'études, les frais d'inscription ont augmenté et sont devenus inaccessibles pour beaucoup, la qualité du niveau des enseignements a chuté (difficile de faire de la sélection sur des clients), certaines universités ont vendu leurs locaux (Florence). Il n'y a plus de CDI, que des accumulations de CDD: comment élaborer des projets constructifs et durables sur le court terme? On voit bien que sur le long terme une telle réforme est destructrice.

Bilan des actions menées:

Les administrations sont aujourd'hui bloquées au niveau national.
  • C3N: un communiqué a rejeté le discours du président, la Sorbonne a fait un appel au retrait des réformes, Axel Khan et Berlan ont retiré leur position et ont voté le retrait du décret
  • 2 Février: grève générale reconduite
  • 5 Février: motion contre la loi LRU et le décret de modification des enseignants chercheurs
  • 10 Février: 40 000 personnes à Paris, 100 000 en France, 3000 à Marseille
  • 68 Universités sur 80 mobilisées
  • Vendredi 13 Février: cérémonie nationale de non remise des plaquettes pour la masterisation
A Luminy. Aujourd'hui plus de 700 participants (contre 200-500 aux autres AG), la grève a été votée. Depuis le début du mouvement, le personnel et les étudiants sont solidaires dans le mouvement et s'investissent afin de se faire entendre: des cours sauvages sont donnés (depuis le début de la semaine) à divers endroits du centre ville, , Lundi réunion au Pharo où Mr Berlan a reconnu que la réforme devait être revue et vote d'une motion qui se positionne par rapport au décret et aux réformes, Mardi envoi par les enseignants chercheurs de leurs publications au président de la République, blocage voté pour le Mercredi 11 Février, Jeudi 12 Février reconduction de la grève jusqu'au Lundi 16 Février midi.

Propositions:
La mobilisation des services est une punition pour l'enseignement, elle est indigne des universités. La hiérarchie des tâches va casser l'articulation des activités de recherche. La totalité échappe aux instances nationales et pénalise les laboratoires d'excellence des universités.
En ce qui concerne l'université de Luminy, lors des négociations, le statut a été accepté collectivement. Il proposait un maintient du pourcentage des promotions (50% local, 50% national), ce qui était tout à fait acceptable. Les enseignants chercheurs demandent un service statutaire de référence de 150 heures d'enseignement obligatoires.
Nous voulons une recherche de qualité, la synergie entre les EPST et l'université est indispensable, elle est structurante pour la recherche. La suppression des postes va amener une véritable précarisation (BIATOS, ITA, chercheurs, doctorants). Nous demandons la restitution des postes supprimés en 2009.
Concernant la masterisation, nous demandons de retirer les réformes en cours et les repenser, elles sont socialement nocives, incohérentes et inapplicables. Elles diminuent le niveau de pédagogie et les voies d'enseignement (scientifique particulièrement). Revaloriser le métier d'enseignant oui, mais de façon efficace et constructive.
La LRU dégrade les services, nous demandons un moratoire pour une réflexion approfondie sur l'avenir des universités et de la recherche.
La précarisation des jeunes chercheurs est elle aussi inacceptable. L'enchaînement des CDD ne permet pas la mise en place de projets à long terme et détruit littéralement la recherche fondamentale pourtant nécessaire et indispensable.

Gestion des cours:
Les enseignants sont conscients de l'impact d'une grève sur une année d'études, et ne veulent pas que les étudiants en soient pénalisés démesurément. Il a été proposé de mettre en place une semaine de rattrapage des cours et de décaler les examens afin que cette période de revendications soit la moins nocive pour les étudiants. Selon la durée des évènements, les enseignants se proposent de retirer un ou deux chapitres de leurs cours pour respecter le calendrier.

En Conclusion…
Le décret de la LRU, la masterisation ainsi que la modification du statut des enseignants-chercheurs sont des réformes contre lesquelles la communauté s'oppose et se mobilise activement. La LRU va transformer les Universités françaises en véritables industries. La masterisation et le nouveau statut des enseignants-chercheurs vont amener à une éducation médiocre (cette fois ci). Nous refusons cette politique à tendance oligarque, voire ploutocrate, qui aboutira au final à acculturer la société française pour mieux la dominer. Il s'agit tout simplement d'une privation de Liberté, car la connaissance est quoi qu'on en dise la plus grande des Libertés (d'autant qu'elle est gratuite!). Nous avons la chance d'avoir un enseignement gratuit donc accessible, chose pour laquelle il a fallu se battre (au cours de l'histoire). La connaissance est un droit fondamental voire une légitimité que le gouvernement est entrain de nous enlever délibérément. Il s'acharne à détruire le système éducatif français, à tous les niveaux (en considérant que la recherche en fait partie), alors que la culture et la connaissance, sont indispensables au développement. Quel avenir nous réserve notre gouvernement? Quel est son objectif? Certes des réformes sont nécessaires, car le système n'est pas parfait et en évolution constante, mais ce n'est pas en tirant vers le bas que l'on construit. Nous demandons le retrait des réformes afin de pouvoir les repenser, les retravailler et trouver celles qui seront optimales pour notre société et son développement. Les étudiants, enseignant-chercheurs et chercheurs resterons mobilisés le temps qu'il faudra.

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